Le Conseil Constitutionnel : Dernier Bastion du Pouvoir ou Nouveau Parti Unique ?

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Les sages. Voilà le mot qui, tel un voile pudique jeté sur la réalité crue, dissimule ce que le Conseil constitutionnel est devenu : une annexe du pouvoir, une chambre d’enregistrement masquée sous le fard du droit. Jadis simple gardien des règles du jeu institutionnel, il s’est peu à peu métamorphosé en une sorte de comité de salut public post-moderne, capable de censurer des lois, d’étrangler la volonté populaire et d’imposer une vision du monde qui n’a jamais été validée par le suffrage universel. Richard Ferrand, fraîchement nommé à sa présidence, incarne cette dérive avec une perfection presque caricaturale.

Le Conseil constitutionnel : non plus un arbitre, mais un joueur au service du pouvoir en place.

Premier grognard du macronisme, fidèle parmi les fidèles, son entrée au Conseil ne repose ni sur une compétence juridique hors norme ni sur une probité exemplaire. Non, Ferrand est là pour la seule et unique raison qui vaille sous la monarchie républicaine contemporaine : il a su être utile, et il sera récompensé. De Gaulle avait Gaston Palewski, Mitterrand s’appuyait sur Roland Dumas, Macron a Ferrand. Mais à la différence des précédents, où la fidélité n’excluait pas un certain sens de l’État, ici, tout n’est plus qu’une question d’appareil, de verrouillage institutionnel et d’étouffement démocratique.

Car au-delà du cas Ferrand, il faut observer la trajectoire inquiétante du Conseil constitutionnel. Conçu à l’origine comme un simple arbitre, il s’est arrogé avec le temps des prérogatives qui dépassent largement le cadre du droit. Dans un processus d’auto-légitimation progressif, les juges ont peu à peu pris goût à l’idée qu’ils ne se contentaient pas d’appliquer la loi, mais qu’ils la façonnaient. Une dérive qui trouve ses racines dans l’affaiblissement continu du politique, incapable de faire face aux nouvelles inquisitions morales et idéologiques qui prospèrent sous couvert de neutralité.

Sous prétexte de garantir la conformité des lois aux grands principes, le Conseil constitutionnel est devenu le fossoyeur du politique, le dernier rempart d’un establishment qui redoute plus que tout que la démocratie ne s’exprime trop fort, trop clairement. On l’a vu avec la censure de la loi immigration, où une poignée de notables non élus a décidé qu’il était de bon ton de mettre son veto aux décisions du Parlement, c’est-à-dire à la souveraineté nationale. Tout cela au nom d’interprétations toujours plus extensives de textes toujours plus flous. Que vaut encore le suffrage universel si une caste nommée dans les salons parisiens peut, en un trait de plume, balayer ce qui a été voté ?

La souveraineté populaire, cet obstacle gênant que l’on contourne grâce à des juges bien choisis.

La démocratie repose sur un principe simple : celui qui décide doit être comptable devant le peuple. Or, que se passe-t-il lorsque des instances nommées s’arrogent le droit de statuer sur tout et son contraire, d’invalider des lois, de censurer des réformes, sans jamais avoir à répondre devant les électeurs ? On assiste à l’instauration d’un pouvoir fantôme, insaisissable, qui, bien qu’agissant à découvert, échappe à tout contrôle. Les gouvernants eux-mêmes y trouvent leur compte, déléguant aux juges la tâche ingrate de dire non à ce que la rue et l’opinion réclament, tout en feignant de s’incliner avec fatalisme.

Le tour de passe-passe est d’autant plus saisissant que ceux qui défendent cette mainmise judiciaire sur la démocratie sont souvent les mêmes qui dénonçaient hier la « dictature de la majorité ». Soudainement, la volonté populaire n’est plus sacrée, elle devient suspecte, dangereuse, irrationnelle. Seule une oligarchie éclairée – qui, par un miracle de la Providence, pense toujours comme la classe dirigeante – pourrait empêcher le grand effondrement. Richard Ferrand, en bon serviteur du pouvoir, veillera donc à ce que cette farce continue, sans accrocs, sans soubresauts, et surtout sans que le peuple ne puisse y changer quoi que ce soit.

Ce glissement vers la juridicisation absolue du politique n’est pas une simple tendance française, mais une lame de fond qui touche l’ensemble des démocraties occidentales. Aux États-Unis, la Cour suprême est régulièrement au cœur des débats politiques les plus sensibles, devenant un enjeu électoral aussi déterminant que l’élection présidentielle elle-même. En Europe, la Commission et la Cour de justice de l’Union européenne ne cessent d’étendre leur influence, imposant des normes et des orientations sans la moindre consultation démocratique. La France, dans cette mécanique infernale, suit le même chemin : celui d’une dépossession méthodique du pouvoir politique au profit d’instances technocratiques et judiciaires.

Pendant que le Conseil constitutionnel corsète la France, ailleurs, on fait encore de la politique.

Pendant ce temps, ailleurs dans le monde, le politique continue de s’exercer à ciel ouvert. Aux États-Unis, Donald Trump renoue avec ses vieilles obsessions protectionnistes et frappe le marché mondial d’un coup de massue fiscal sur l’acier. L’Europe, prise entre sa passion pour l’ouverture des frontières et la nécessité de ne pas se laisser dépouiller, hésite, se tâte, bredouille quelques protestations avant de probablement se plier aux réalités du rapport de force. Car, contrairement à la France, qui confie sa destinée à des juges vêtus de robes noires, d’autres nations, elles, assument encore que la politique est un champ de bataille et non une simple procédure administrative.

L’histoire retiendra que, sous couvert de sagesse et de neutralité, nous avons organisé la dépolitisation de nos institutions, au profit de ceux qui, dans l’ombre, continuent de faire de la politique à leur seul avantage. La République des juges, cette chimère sortie des laboratoires du progressisme technocratique, est désormais bien installée. Elle a ses codes, ses rites, ses serviteurs dévoués. Ferrand en sera un bon garant. Macron peut dormir tranquille : il a verrouillé une institution de plus. Quant aux citoyens, ils apprendront encore un peu plus à se taire.

***Les journalistes d’EnAlerte.fr utilisent un nom d’emprunt et une image générée par IA pour préserver leur confidentialité et garantir leur liberté d’expression.***
Antoine Leroy
Antoine Leroy
Étudiant en philosophie à la Sorbonne, Antoine Leroy, 23 ans, est fasciné par les grands débats intellectuels, mais aussi par les petites incohérences du quotidien. Avec EnAlerte.fr, il mêle réflexion profonde et ironie mordante pour faire vaciller les certitudes et provoquer des questionnements nécessaires.

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