Le voile s’est imposé dans le sport comme il s’est imposé ailleurs : par petites touches, par la ruse et par la lâcheté des institutions. On nous avait assuré que l’uniforme sportif primerait sur les appartenances religieuses, que l’espace du jeu resterait neutre et républicain. Mais une fois de plus, la République a reculé, préférant l’évitement au conflit, le compromis à l’autorité. Résultat : les clubs et les compétitions se retrouvent confrontés à un dilemme artificiel, fabriqué de toutes pièces par des militants dont l’objectif est limpide – faire du hijab un fait accompli, un élément banal du paysage sportif, et donc de la société.
L’image d’une sportive voilée n’est pas anodine. Elle est un signal. Elle signifie que l’espace commun s’est une fois de plus effacé devant une revendication identitaire. Que ce qui relevait de l’universel – la tenue, l’égalité, la performance – a cédé sous la pression d’une logique communautariste. Pire encore, cette avancée a été obtenue sous le masque de la liberté et du droit des femmes, alors même que dans d’autres pays, des femmes risquent leur vie pour arracher ce tissu qui, ici, est glorifié comme un simple accessoire de mode. L’imposture est totale, mais qui ose encore la dénoncer ?
On commence par tolérer, puis on excuse, et enfin on impose. C’est la mécanique bien huilée de l’entrisme. Dans certains clubs, les entraîneurs savent déjà qu’ils ne peuvent plus s’opposer au port du hijab sans risquer une avalanche de polémiques. Les fédérations, elles, jouent les équilibristes, conscientes qu’un refus trop net déclencherait un tollé médiatique orchestré par les habituels adeptes du chantage victimaire. On leur reprochera d’ostraciser, de discriminer, de ne pas être « inclusives ». L’accusation ultime, celle qui paralyse, celle qui fait reculer.
Une adolescente voilée sur un terrain de sport, c’est une adolescente qui a intériorisé qu’elle ne pouvait pas être vue sans ce signe distinctif.
Ceux qui parlent de choix ne voient pas, ou feignent d’ignorer, que ce choix n’est jamais totalement libre. Une adolescente voilée sur un terrain de sport, c’est une adolescente qui a intériorisé qu’elle ne pouvait pas être vue sans ce signe distinctif. C’est une adolescente qui, sous couvert de participation, envoie le message inverse : celui d’un repli, d’une séparation volontaire d’avec le reste du collectif. Le sport est censé être un espace où l’individu s’efface au profit du groupe, où ce qui nous distingue s’effondre devant ce qui nous unit. Le voile dit exactement l’inverse.
Le gouvernement, comme d’habitude, a soufflé le chaud et le froid, multipliant les déclarations fermes pour mieux s’en laver les mains. Aurore Bergé avait annoncé une ligne rouge, elle a fini par la rendre floue. Stéphane Le Foll prônait la concertation, il a surtout accompagné le mouvement, jouant les médiateurs là où il aurait fallu des décisions. Laurent Wauquiez, plus radical, avait dénoncé le piège et tenté d’imposer un cadre strict ; il a été accusé d’islamophobie, comme tous ceux qui persistent à voir dans ces revendications autre chose qu’un simple « droit des femmes à s’habiller comme elles le souhaitent ».
Il faudra bien, un jour, se réveiller.
Et après ? Le combat continue, bien sûr. Ceux qui se sont battus contre le voile dans l’école, dans l’entreprise, dans l’administration savent bien que rien n’est jamais gagné. L’avancée du communautarisme se fait par grignotage, par résignation. La question du sport n’était qu’une étape. Il y en aura d’autres. Bientôt, ce sera au tour d’autres espaces encore protégés : la police, la justice, l’armée. L’argument sera toujours le même : inclure, ouvrir, ne pas exclure. Et comme toujours, ce seront ceux qui voudront défendre un cadre commun qui seront accusés d’intolérance.
La vérité est pourtant simple : la laïcité n’est pas négociable. Ce n’est pas un slogan creux, c’est un principe structurant. Accepter le hijab dans le sport, c’est accepter le communautarisme dans toutes ses formes. C’est laisser une idéologie totalitaire imposer ses codes sous couvert de liberté. C’est abdiquer, encore, au nom d’une paix sociale qui n’est qu’un mirage. Il faudra bien, un jour, se réveiller.