Nommer une opposante farouche du nucléaire à un comité chargé d’en garantir la transparence et la sécurité ? C’est un peu comme confier les clefs de la cave à celui qui déteste le vin. Dominique Voinet, jadis sabreuse en chef du programme Superphénix, devient aujourd’hui gardienne de ce qu’elle a longtemps combattu. Absurde ? Logique ? Bienvenue dans l’absurde logique de la politique énergétique française.
« J’ai plombé le nucléaire » : la seule phrase qui devrait suffire à disqualifier, mais qui, en France, promeut.
« J’ai plombé le nucléaire », confesse Dominique Voinet avec la même insouciance que celle d’un pyromane expliquant fièrement avoir « fait de son mieux » pour ralentir les pompiers. Dans un pays où l’on ne distingue plus les pompiers des pyromanes, sa nomination au Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire ressemble à une farce bien écrite – sauf qu’elle est vraie. Et comme dans toute farce à la française, le ridicule ne tue pas, il gouverne.
Il faut dire que la trajectoire de Mme Voinet est exemplaire… d’un certain génie paradoxal. Ministre de l’Environnement sous Lionel Jospin, elle a agi contre le mandat reçu, sabotant la position française pro-nucléaire à Bruxelles. Non pas par maladresse ou par erreur, mais par conviction, assume-t-elle aujourd’hui, le menton haut, le regard fier. Elle n’a pas fait que freiner ; elle a plombé. Et pas n’importe quoi : une industrie stratégique, une indépendance énergétique, et accessoirement, une décennie d’avance sur la production de déchets valorisables grâce à Superphénix – ce réacteur aussi innovant que mal-aimé, sacrifié sur l’autel d’un accord politicien PS-Verts.
La France avait dans les mains un bijou de technologie capable de recycler ses propres déchets nucléaires – ce qui, dans une époque où le recyclage est sacré, aurait pu lui valoir une médaille. Mais au lieu de cela, elle a éteint la lumière, parce que les Verts étaient devenus incontournables dans la petite cuisine de la majorité. Une centrale pour un strapontin, un réacteur contre une alliance. Autant demander à Robespierre de superviser la réinvention de la monarchie.
Car le cas Voinet n’est pas isolé : il s’inscrit dans une longue tradition française du harakiri énergétique. Après Superphénix, il y eut Fessenheim – cette centrale pourtant en bon état, sacrifiée comme un vieux meuble IKEA lors du déménagement hollandais vers l’Élysée. « Accord de coin de table », reconnaîtra plus tard Arnaud Montebourg, dans un élan de sincérité trop rare pour ne pas être suspect.
Confier la sûreté nucléaire à Dominique Voynet, c’est comme nommer un végétarien directeur du Salon de la charcuterie.
La nomination de Dominique Voinet vient donc parfaire un tableau burlesque où l’incompétence devient expertise, et l’hostilité, un gage de neutralité. À ce rythme, on finira par nommer un végane à la tête du Salon de l’Agriculture, ou un adepte du burn-out pour réformer les retraites.
Vincent Trémolet de Villers, plume aussi acérée qu’un rapport parlementaire est soporifique, résume bien la situation : c’est Mel Brooks au cœur de la République. Le shérif est en prison, et c’est le bandit qui porte l’étoile. Voinet, c’est « l’écolo qui cache la forêt des bureaucrates », c’est-à-dire la caution visible d’un sabotage invisible, méthodique, lent, collectif. Car ne nous y trompons pas : le désastre nucléaire français n’est pas l’œuvre d’une seule femme, mais d’un système où les intérêts électoraux pèsent plus lourd que les kilowatts.
La schizophrénie énergétique française tient du miracle continu : pleurer sur le climat tout en fermant des centrales décarbonées ; se lamenter sur la dépendance aux fossiles tout en enterrant les projets d’avenir. Pendant que l’Allemagne relance son charbon avec une mauvaise conscience verte, nous, on supprime nos réacteurs avec une bonne conscience bête.
Dominique Voynet est à la politique énergétique ce que le Captain Igloo est à la pêche durable : un leurre médiatique.
Et c’est là le cœur du problème : cette nomination n’est pas simplement ironique, elle est emblématique. Elle illustre une élite politique où la constance dans l’erreur vaut brevet d’expertise. Dominique Voinet est « cohérente », nous dit-on – et c’est vrai. Elle a été cohérente dans l’obstruction, dans la désindustrialisation, dans le sabotage. À l’heure où la France redécouvre le nucléaire comme un trésor national (trop tard), la mettre en poste revient à confier à Ponce Pilate la gestion de l’eau potable.
Le Haut comité pour la transparence ? Il n’y aura jamais eu autant de transparence que maintenant : les absurdités sont à ciel ouvert. Le grotesque est assumé. On rit, nerveusement. Comme toujours en France, quand l’État se prend les pieds dans le tapis de ses idéologies.
Conclusion percutante ?
Cette nomination, c’est l’aboutissement d’une logique orwellienne : la guerre, c’est la paix ; l’ignorance, c’est la force ; et l’antinucléaire, c’est la sûreté nucléaire. À quand Greta Thunberg au ministère des Forages Pétroliers ? Ou Marlène Schiappa à l’Académie Goncourt ?