Il aura fallu des tombes, des larmes et des lâchetés accumulées pour qu’enfin surgisse un meeting digne de ce nom, au cœur de Paris, autour d’un mot d’ordre aussi simple que radicalement oublié : non à l’islamisme. Un événement rare, car transpartisan, rassemblant à la même tribune Bruno Retailleau et Manuel Valls, Florence Bergeaud-Blackler et Jean-Michel Blanquer. À croire que la France, ou du moins ce qu’il en reste d’irréductiblement lucide, commence à comprendre que le ver est dans le fruit, et qu’il ne s’agit plus de tergiverser mais de trancher.
Il est significatif que cet appel au réveil national coïncide avec les 120 ans de la loi de 1905, ce chef-d’œuvre républicain que les islamistes détestent car il leur est structurellement étranger. Il est également symbolique que ce cri d’alarme intervienne dix ans après les premiers attentats islamistes sur notre sol, comme s’il avait fallu une décennie entière de deuils et de renoncements pour que la vérité soit enfin dite : la République est en guerre. Non pas contre une religion, comme s’échinent à le répéter les aveugles volontaires, mais contre une idéologie politico-religieuse qui hait tout ce que nous sommes.
Dans cette configuration rare, où gauche et droite osent se regarder sans honte et se serrer les coudes, Florence Bergeaud-Blackler, l’une des rares intellectuelles à oser mettre des mots sur le mal, a brisé deux tabous. Le premier : la lutte contre l’islamisme n’appartient à aucun parti. Elle doit être la cause commune de tous ceux qui n’ont pas encore renoncé à la civilisation. Le second : cette lutte ne pourra être menée sérieusement qu’avec les musulmans eux-mêmes. Non ceux qui ferment les yeux, non ceux qui relativisent, mais ceux qui ont le courage de dénoncer les imposteurs qui parlent en leur nom.
« Il faut réarmer intellectuellement les Français », dit-elle. Et elle a raison. Ce n’est pas d’une énième loi dont nous avons besoin, mais d’une pédagogie de la lucidité. Car le frérisme, cette version soft du djihadisme, continue d’infuser nos institutions, nos universités, nos associations, avec la complicité active d’élites désarmées ou idéologiquement soumises. Pendant que les médias publics se noient dans un relativisme de confort, les réseaux fréristes tissent patiemment leur toile. L’ennemi avance masqué, pendant que la République, elle, détourne le regard.
L’inaction face aux dérives idéologiques n’est plus une option, mais une complicité.
Ce paradoxe illustre l’incapacité d’un système à concilier ses valeurs avec ses actions.
Et voilà que Boualem Sansal, écrivain franco-algérien, immense esprit libre, se retrouve à son tour dans le collimateur de la barbarie. Menacé de dix ans de prison par l’Algérie de la police politique et de l’intimidation islamiste, il devient malgré lui l’icône tragique d’un combat que trop d’intellectuels hexagonaux ont déserté. Lui, l’anticolonialiste conséquent, l’humaniste exigeant, le dénonciateur inlassable de l’islamisme, est broyé non pas par un quelconque « racisme systémique » occidental mais par la brutalité d’un régime qui hait la pensée libre.
Pendant ce temps, la France officielle se réveille, encore sonnée, encore hésitante. Gérald Darmanin a salué Boualem Sansal, Manuel Valls a osé le mot juste en établissant le lien organique entre les islamistes et leurs compagnons de route à LFI. Il serait temps que la République nomme ses ennemis. Et surtout qu’elle arrête de courtiser ceux qui, sous couvert d’antiracisme, donnent des gages aux islamistes dans nos cités, nos écoles, nos antennes publiques.
Les faits sont là, criants. Une partie croissante de la jeunesse se dit favorable au port du voile dans le sport, comme si cette régression vestimentaire n’était pas l’étendard d’une idéologie de la soumission. La confusion s’installe jusque dans les esprits bien-pensants, prompts à dénoncer l’extrême droite mais aveugles à l’extrême charia. Pire encore, l’audiovisuel public, trop souvent, n’évoque l’islamisme que du bout des lèvres, préférant les euphémismes à l’indignation.
Alors, oui, ce meeting parisien fut un souffle. Mais un souffle seul ne suffit pas à ranimer un corps comateux.
Face à la menace islamiste, la République doit cesser d’être honteuse de se défendre.
Elle doit exiger de ses représentants qu’ils ne pactisent plus avec les ennemis de l’intérieur. Elle doit faire comprendre à ses citoyens musulmans que leur loyauté première va à la République ou qu’ils en assument les conséquences. Elle doit libérer la parole sans craindre les procès en islamophobie, cette arme sémantique forgée pour museler toute critique légitime de l’obscurantisme.
Ce que l’on a vu à Paris n’était qu’un début. Un signe. Il en faudra d’autres. Plus larges, plus tranchants, plus courageux encore. Car chaque jour de retard est un jour gagné par les islamistes.
Le courage ne se décrète pas, il se démontre.
Et il serait temps que la France, dans son ensemble, cesse de baisser les yeux devant ceux qui rêvent de lui imposer la loi d’Allah à la place de celle de 1905.