La Guillotine de la Démocratie : quand la justice joue Robespierre et décapite les urnes

Date:

Quand les juges remplacent les électeurs et que l’État de droit devient une franchise de Netflix sur les régimes autoritaires, on appelle ça la France. L’inéligibilité de Marine Le Pen ne marque pas seulement une crise démocratique : c’est la consécration de la démocratie liquide, où l’on noie l’opposition dans une baignoire d’exécution provisoire.

Il fallait bien que cela arrive un jour. La Ve République, fatiguée de ses propres contradictions, a décidé de tirer une balle dans l’urne. Et comme toujours en France, on l’a fait avec un raffinement tout républicain : en robe noire, au nom du Droit, mais avec une touche de guillotine digitale — le glaive à portée de décret. Marine Le Pen, qui a eu le malheur d’exister politiquement autrement qu’en figurine de plateau télé pour éditorialistes en mal de diables utiles, vient d’être déclarée inéligible. Non pas par les électeurs, ces gueux ignares à qui l’on confie encore, parfois, un bout de bulletin, mais par les juges. Les vrais. Ceux qui savent ce qu’est la démocratie, même sans jamais y avoir mis les pieds.

En France, on ne décapite plus, on rend inéligible. C’est plus propre et ça passe mieux dans les dîners en ville.

La scène est digne d’un remake européen de House of Cards, version subventionnée par la Commission de Bruxelles. Dans le rôle principal : une opposition populaire, certes, mais un peu trop… française. Dans celui du bourreau en robe : une justice qui s’émancipe, s’élève, transcende même la volonté générale pour « protéger la République ». Car voyez-vous, le peuple, c’est bien, mais seulement quand il vote comme il faut. Sinon, il faut le mettre sous tutelle, comme un enfant un peu trop turbulent. Et quoi de mieux pour cela qu’un bon vieux coup de toge ?

On appelle ça « l’État de droit ». Et c’est très sérieux. Sauf que désormais, l’État de droit ressemble à un sketch de Pierre Desproges : « On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde. » Ici, on peut voter pour qui on veut, mais pas avec n’importe quel casier. Ou plutôt : pas avec n’importe quelle menace pour l’ordre établi. Une candidate qui pèse plus que toute la gauche réunie ? Éliminée. Pas dans les urnes, non — ce serait trop vulgaire. Mais par ordonnance. Provisoire, bien sûr, comme les dictatures éclairées.

Le plus savoureux dans tout cela, c’est la morale qui s’en dégage : la démocratie est sauve parce qu’on empêche le peuple de mal voter. C’est beau comme une citation d’Ursula von der Leyen sous acide. Les tribunaux deviennent les nouveaux partis politiques — sauf qu’on ne peut pas les renvoyer, eux. Ils s’autosaisissent, s’autojustifient et s’auto-élèvent. La tentation de la théocratie judiciaire. Et pendant ce temps, les Français regardent, médusés, leur bulletin se transformer en ticket de caisse : « Désolé, produit retiré de la vente. Cause : non-conformité avec l’esprit du régime ».

Qu’on soit ou non amateur des idées de Marine Le Pen n’a, au fond, plus aucune importance. Ce qui se joue ici dépasse les clivages. C’est une démonstration de force, un bras d’honneur institutionnalisé à la démocratie représentative, au suffrage universel et, accessoirement, à cette chose que l’on appelait jadis le peuple souverain. On croyait avoir atteint le sommet du mépris avec le référendum de 2005 ignoré comme une vieille carte postale de province. On découvre qu’il y avait encore de la marge.

L’État de droit est mort, vive l’État de droit provisoire !

Et comme il faut toujours habiller les coups d’État en défense des libertés, on convoque le sempiternel lexique de la République en danger, de la démocratie menacée, du retour des heures sombres. Ah, cette République qui ne tient debout qu’en interdisant ses opposants ! Quelle majesté. On dirait un sketch. Mais non, c’est Le Monde.

Elon Musk, entre deux tweets cryptiques et trois fusées en orbite, s’est même fendu d’un commentaire : selon lui, quand la gauche radicale ne peut pas gagner les élections, elle emprisonne ses opposants. Évidemment, il exagère. En France, on ne les emprisonne pas. On les neutralise. Poliment. Provisoirement. En toute légalité. Le totalitarisme 2.0 : avec option « consentement éclairé ».

Robespierre avait la guillotine, nous avons le Conseil constitutionnel. Même résultat, moins de sang.

Le Conseil constitutionnel, cette auguste assemblée de sages cooptés comme dans une secte de notaires démiurges, s’érige en arbitre suprême de ce qui peut ou non être proposé aux électeurs. Le législateur ? Has-been. L’électeur ? Irritant. Place aux sachants, aux technocrates en robe de chambre constitutionnelle. Même Robespierre aurait trouvé cela un peu excessif. C’est dire.

Et puis, dans un accès de lyrisme géopolitique, on nous sert les exemples de la Roumanie, de la Turquie, voire de la Russie. Comme si, pour prouver qu’on n’était pas une république bananière, il fallait commencer par se comporter comme une république bananière. La cohérence, désormais, c’est pour les faibles. L’État de droit ? C’est quand l’État fait ce qu’il veut du droit.

Alors bien sûr, il y a les grands mots : radicalisation autoritaire de l’extrême centre, despotisme éclairé, liquidation judiciaire de l’opposition. Derrière le lyrisme, une réalité : quand on ne peut plus battre une candidate dans les urnes, on la disqualifie ailleurs. C’est plus rapide. Et surtout, ça évite les débats.

Le peuple vote mal ? Changeons de peuple, ou mieux : supprimons les élections.

Ce que cette affaire révèle, c’est un profond malaise démocratique, une fracture que même les meilleurs énarques ne pourront plus maquiller. Quand la justice devient une arme politique, quand les électeurs deviennent des figurants, quand les institutions jouent aux apprentis sorciers avec le droit fondamental de choisir ses représentants, il ne reste plus qu’à s’accrocher à ce qui ressemble encore à une démocratie — de loin, la nuit, sous les néons d’une Europe post-libérale.

***Les journalistes d’EnAlerte.fr utilisent un nom d’emprunt et une image générée par IA pour préserver leur confidentialité et garantir leur liberté d’expression.***
Lucien Gregoire
Lucien Gregoire
Artisan ébéniste à Toulouse, Lucien Grégoire, 45 ans, sculpte le bois avec passion, mais aussi les idées avec impertinence. Avec EnAlerte.fr, il se fait le porte-voix d’une critique sociale acérée, où le sarcasme devient une arme pour mettre en lumière les vérités que l’on préfère ignorer.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Partager:

Recevoir nos actualités

spot_img

Les plus lus

Ces articles pourraient aussi vous intéresser
Related

Quand la fac pense en meute : la fin du débat, le règne du dogme

De Strasbourg à Lyon, les scènes de censure et...

Enlevé par l’Algérie en plein Paris : l’affaire Amir DZ que la France tait

En France, pays théoriquement souverain, l’on peut donc désormais...

De Gaza à Paris : la capitulation morale d’Emmanuel Macron

En politique étrangère comme en morale, il est des...

LFI contre Frontières : symptôme d’une haine de ce que nous sommes

Hier encore, au sein même de l’Assemblée nationale, un...