Marine Le Pen ou la stratégie du choc : quand la démocratie sert de ring

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En politique comme en boxe, il arrive un moment où l’on cesse d’esquiver. On serre les poings, on avance tête baissée, quitte à encaisser. Marine Le Pen, frappée d’inéligibilité par une décision judiciaire en apparence anodine, a décidé de riposter. Pas dans le style feutré des cabinets parisiens, mais dans celui des arènes romaines. Sa parole n’est plus tempérée, elle est offensive. Elle ne demande plus justice, elle crie à la persécution. Le système a désigné sa cible, elle ne rendra pas les armes.

Elle a troqué le costume de candidate raisonnable contre l’armure d’une résistante harcelée par les institutions.

Longtemps, elle a travaillé son image. Sérieuse, rassurante, presque technocrate. Loin des outrances de son père, elle voulait convaincre qu’elle pouvait gouverner, pas seulement dénoncer. Mais la sentence tombée, elle renoue avec son ADN politique : incarner la fracture, nourrir l’antagonisme. La condamnation devient l’élément fondateur d’un récit victimaire rodé : elle ne serait pas simplement sanctionnée, elle serait muselée. On ne parle plus d’un jugement, mais d’une opération politique maquillée en justice.

Et toute la rhétorique suit. La République serait en danger, les juges aux ordres, la démocratie piétinée. Les mots sont choisis pour frapper l’imaginaire : on n’attaque plus Marine Le Pen, on attaque le peuple qu’elle prétend incarner. C’est moins une défense qu’une croisade.

Pour ses partisans, elle n’est plus seulement une candidate : elle devient l’effigie d’une injustice orchestrée.

Le Rassemblement National s’organise comme en état de siège. On occupe l’Assemblée, on occupe les médias, on fait corps. Pas un cadre qui ne relaye la thèse d’un acharnement judiciaire. On évoque des lois à voter, des recours à déposer, des alertes à envoyer jusqu’à Strasbourg. Ce n’est pas une stratégie juridique, c’est une mise en scène de la persécution. L’objectif n’est pas d’obtenir gain de cause à la cour, mais de faire du procès un outil politique, d’étirer l’indignation sur deux longues années jusqu’à 2027.

Mais combien de temps peut-on entretenir une colère sans proposition ? Peut-on capitaliser sur l’émotion alors que l’opinion attend des réponses concrètes à l’insécurité, au pouvoir d’achat, à la crise énergétique ? Rien n’est moins sûr.

La stratégie comporte donc un risque majeur : celui de l’essoufflement. La victimisation a ses limites, surtout dans un pays où l’on préfère les vainqueurs aux martyrs. L’électorat n’a pas une patience infinie, et la scénarisation permanente finit par lasser. À force de crier au complot, on finit par ne plus être entendu.

Elle veut tomber debout, quitte à faire de son exclusion une apothéose politique.

Et pourtant, autour d’elle, certains gardent en tête un plan de secours. Il s’appelle Jordan Bardella. Plus jeune, plus lisse, plus compatible avec les standards médiatiques. Il coche toutes les cases de l’électorat conservateur, sans les casseroles historiques. Mais pour les fidèles de Marine Le Pen, il est hors de question d’ouvrir la porte à un tel scénario. Ce n’est pas encore l’heure de la relève. Le trône n’est pas vacant. Le culte de la candidate reste entier.

Alors on repousse l’échéance. On occupe le terrain, on songe à faire tomber le gouvernement sur une motion de censure pour reprendre la main. Mais là encore, le pari est risqué. Attal, malgré ses maladresses, tient le cap. Et si le gouvernement devait chuter, cela profiterait-il réellement à une opposition engluée dans ses affaires internes ?

Cette obstination ressemble de plus en plus à une ultime tentative de peser. Marine Le Pen semble prête à jouer sa dernière partition, avec la certitude qu’il ne peut y avoir de relève sans sacrifice. Si elle doit être écartée, ce sera dans le fracas. Pas dans le silence. Elle ne se retirera pas dans l’ombre, elle exige d’être érigée en symbole. Mais encore faut-il que les Français soient prêts à croire à ce scénario.

***Les journalistes d’EnAlerte.fr utilisent un nom d’emprunt et une image générée par IA pour préserver leur confidentialité et garantir leur liberté d’expression.***
Amine Belhadj
Amine Belhadj
Infirmier dans un hôpital public de Marseille, Amine Belhadj, 35 ans, jongle entre des journées éreintantes et sa passion pour l’écriture. Il rejoint EnAlerte.fr pour donner une voix à ceux qui subissent les conséquences des décisions prises sans jamais être consultés. Amine croit profondément à l’importance de rendre visibles les réalités quotidiennes de millions de Français.

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