Il y a dans l’histoire récente de notre médiacratie des scènes plus instructives que mille discours. Celle qui s’est jouée sur RMC jeudi soir n’est pas seulement une polémique télévisuelle : elle est la manifestation chimiquement pure d’une époque où penser librement sur certains sujets vous condamne à genoux. L’animateur vedette de l’After Foot, Gilbert Brisbois, en a offert la démonstration pathétique en présentant des excuses publiques pour avoir osé – horreur ! – laisser une députée évoquer l’islamisme rampant dans le sport français. Une séquence qui n’aurait dû susciter qu’une réflexion salutaire, et qui s’est terminée en confession publique sous la pression d’une police idéologique toujours prompte à distribuer ses fatwas morales.
Quand dire la vérité dérange, ce n’est pas la vérité qu’on attaque, mais ceux qui osent la dire.
Le crime initial ? Avoir reçu Caroline Yadan, députée Renaissance, co-autrice d’un rapport parlementaire sur l’entrisme islamiste dans le sport. Un document pourtant rigoureux, cosigné par Julien Odoul, et validé par l’Assemblée nationale. Le péché originel ? Avoir laissé cette élue rappeler, calmement, des faits incontestables : la présence de salles de prières dans certains clubs sportifs, des interruptions d’entraînement pour motifs religieux, des comportements séparatistes dans des équipes amateurs, parfois même chez des professionnels. Des constats qu’on retrouve également dans les travaux de l’anthropologue Florence Bergeaud-Blackler, qui évoque une « reconfiguration islamiste de l’espace sportif », avec la volonté affichée de « substituer les normes religieuses aux règles républicaines ». Mais cela, dans les salons bien-pensants, s’appelle désormais « islamophobie ».
Alors, la mécanique s’est mise en marche. En moins de 24 heures, les habituels réseaux de l’indignation sélective ont frappé. Hashtag #BoycottAfterFoot. Accusations de racisme, d’amalgame, d’acharnement contre les musulmans. Aucun fait contesté, mais un procès en sorcellerie mené par des procureurs autoproclamés. Dans ce tribunal d’opinion, il ne s’agit pas de débattre, mais de détruire. Et Gilbert Brisbois, qui aurait dû tenir bon, s’est effondré.
Quand s’excuser devient une injonction, penser librement devient un délit.
Dans un moment d’une lâcheté spectaculaire, l’animateur s’est excusé « auprès de ceux qui se sont sentis blessés », expliquant que « si toute une communauté s’est sentie visée, c’est que l’émission a échoué ». Quelle communauté, au juste ? Depuis quand l’islam politique et les musulmans de France sont-ils synonymes ? Depuis quand la dénonciation d’un fait devient-elle une offense à un groupe ? C’est précisément ce glissement que dénonçait Bergeaud-Blackler : le piège du « communautarisme victimaire » qui permet à l’islamisme de prospérer sous couvert d’antiracisme.
Cette volte-face n’est pas seulement un reniement personnel, c’est une défaite collective. Car dans cette affaire, ce n’est pas Caroline Yadan qui a perdu. Ce ne sont pas les faits qui ont été réfutés. Ce n’est même pas l’émission qui a été attaquée. Ce qui est tombé, ce sont les dernières digues d’un courage médiatique déjà exsangue. Ce qui s’est effondré, c’est la possibilité même d’un débat public sur les dérives islamistes, pourtant reconnues à tous les étages de l’appareil d’État.
On aurait aimé entendre Brisbois rappeler qu’un rapport parlementaire n’est pas une opinion marginale. Qu’un média digne de ce nom ne s’excuse pas d’interroger des élus sur leurs travaux. Qu’aucune communauté, aucune idéologie, aucune religion, n’a de droit de veto sur le réel. Mais non. On a vu un homme qui a préféré plier plutôt que penser, céder plutôt que résister, raser les murs plutôt que porter la parole que son micro lui confiait.
Et que dire du silence gêné de ceux qui, dans le même studio, n’ont pas levé le petit doigt ? Walid Acherchour, consultant régulier, s’est empressé d’annoncer qu’il prenait ses distances, dénonçant un « débat islamophobe » – sans apporter une seule réfutation au fond. À croire que dans certains milieux, on préfère vomir sur les messagers que d’ouvrir les yeux sur le message. Cette attitude est le prolongement parfait de ce que Florence Bergeaud-Blackler nomme « l’alliance objective entre les progressistes naïfs et les islamistes stratèges ».
Ce n’est pas le réel qui offense : c’est le refus de l’affronter qui condamne.
Les faits, eux, restent. Ils sont documentés, répétés, confirmés. Certains refusent les compétitions mixtes, d’autres imposent des codes vestimentaires religieux. Des fédérations sportives ont tiré la sonnette d’alarme, comme celle de boxe anglaise ou de judo. Mais le simple fait de les évoquer suffit à déclencher les foudres de la bien-pensance.
Il est temps que cette peur change de camp. Il est temps que les journalistes retrouvent leur colonne vertébrale. Il est temps que les responsables politiques ne s’excusent plus d’exister. Et il est plus que temps de refuser que le débat sur l’islamisme dans la société française soit confisqué par ceux-là mêmes qui nient son existence ou en sont les relais objectifs.
À l’heure où le sport reste l’un des derniers bastions du vivre-ensemble républicain, permettre à des logiques communautaristes de s’y installer est une trahison. C’est ce qu’ont dit Caroline Yadan et Julien Odoul. C’est ce que confirme Florence Bergeaud-Blackler. Et c’est ce que Gilbert Brisbois, pour quelques applaudissements faciles, a préféré enterrer.