Zones à Faibles Émissions, neurones à faible combustion

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Pendant que le gouvernement joue au Mikado législatif avec les Zones à Faibles Émissions, la France périphérique étouffe – non pas à cause des particules fines, mais sous le poids d’une idéologie verte hors-sol. Retour sur une simplification qui n’en est pas une.

C’est un de ces instants précieux où l’Assemblée nationale vire à la comédie de boulevard réglementaire, avec en toile de fond une fresque écolo-bureaucratique qui ferait passer les délires de Kafka pour un procès-verbal de pêche à la ligne. Le gouvernement, dans un sursaut de lucidité molle, envisage de simplifier les normes… mais attention, hein, pas trop. Comme toujours avec les mots en vogue – « simplification », « inclusion », « résilience » – la réalité ressemble davantage à une notice Ikea traduite du suédois par un algorithme sous anxiolytiques.

L’objet du jour : les fameuses ZFE, ces Zones à Faibles Émissions qui, contrairement à leur nom, n’émettent jamais rien de faible – surtout pas en termes de colère populaire. À l’origine, un amendement de bon sens : leur suppression pure et simple, portée par un improbable attelage entre la droite classique et le Rassemblement national. Horreur dans les travées centristes ! On ne touche pas au totem vert. Pour compenser l’outrage, un contre-amendement du gouvernement est aussitôt dégainé : les maires pourront décider, sauf à Paris et Lyon, évidemment. Parce que dans ces deux temples de la civilisation moderne, on sait mieux que vous ce qui est bon pour vous.

La logique est imparable : on confie la liberté de décider aux édiles locaux, sauf là où le pouvoir central considère que les citoyens sont trop stupides pour respirer sans tutorat. Une centralisation sélective, une République à géométrie variable, où la province peut expérimenter la liberté à condition que Paris conserve le droit divin d’imposer sa morale carbone.

Dire que les pauvres n’ont pas de voiture, c’est comme affirmer que les poissons n’ont pas besoin d’eau : une bouffée d’oxygène au royaume des apnéistes ministériels.

Mais le clou du spectacle, le numéro de trapèze sans filet, vient de la ministre de la Transition énergétique. Dans une déclaration aussi surréaliste qu’un meeting de Sandrine Rousseau à Burning Man, elle affirme que « les personnes les moins aisées n’ont pas de voiture ». Ah bon ? Et comment croyez-vous qu’ils vont bosser, madame la ministre ? En trottinette subventionnée ? En licorne partagée ? On pensait avoir touché le fond avec Griveaux et ses sarcasmes sur les Gilets Jaunes. Mais lui, au moins, n’avait pas tenté de nier l’existence du moyen de transport le plus vital de la France périphérique. Cette phrase est plus qu’une bourde : c’est une déclaration de guerre au réel.

Pendant que les élites roulent en cortège ministériel, le prolétaire de banlieue doit négocier avec les ZFE pour espérer traverser le périph’. On crée ainsi une nouvelle frontière intérieure : une douane écologique où les papiers d’identité cèdent la place au certificat Crit’Air. Et tout cela au nom d’une qualité de l’air dont les défenseurs oublient qu’elle aurait peut-être un plus grand consensus si elle n’était pas dégainée comme un gourdin technocratique.

Le Green Deal, c’est un peu comme le communisme agricole de l’URSS : noble sur le papier, mais à la fin, tout le monde a faim – ou en l’occurrence, personne ne roule.

Car derrière les ZFE, il y a le Green Deal européen – cette potion magique de la Commission qui voulait verdir l’Europe à coups de normes, d’interdictions et de panneaux solaires made in China. Mais voilà : même la Commission commence à s’apercevoir que sa cathédrale réglementaire est construite sur du sable. Le monde ne joue plus au Monopoly vert ; il s’affronte désormais au poker géopolitique. L’industrie allemande tangue, les agriculteurs néerlandais brûlent les ronds-points, et Ursula von der Leyen se demande si elle n’a pas mis la charrue électrique avant les bœufs thermiques.

Mais la France, fidèle à son goût pour le panache inutile, persiste. On interdit, on normatise, on cartographie, toujours plus, toujours mieux. On gouverne comme au XIXe siècle, mais avec les logiciels du XXIe, et l’incompétence comme liant entre les deux.

À force de vouloir imposer la vertu par décret, on finit par confondre écologie et théologie punitive.

Le débat sur les ZFE n’est qu’un épisode d’une série plus vaste : celle d’une politique qui prétend corriger les inégalités sociales par des contraintes écologiques, imposées depuis des hauteurs où l’on n’a jamais pris le bus. La dernière trouvaille : imposer la parité dans les conseils municipaux des petites communes. Là encore, bonne intention, résultat grotesque : forcer une égalité arithmétique dans des villages où les habitants sont déjà une denrée rare. C’est un peu comme imposer un quota de végétariens dans un élevage de charolais.

En définitive, la suppression des ZFE n’est pas seulement une question de mobilité, c’est une question de souveraineté démocratique. Laisser les territoires décider, c’est enfin reconnaître qu’ils ne sont pas des colonies administrées par Paris-Plage. Mais attention, le combat n’est pas fini : l’amendement parisien doit encore être rejeté, puis ne pas réapparaître en commission mixte, puis survivre au Conseil constitutionnel. Bref, on n’est pas loin de la quête du Graal, version bureaucratie française.


***Les journalistes d’EnAlerte.fr utilisent un nom d’emprunt et une image générée par IA pour préserver leur confidentialité et garantir leur liberté d’expression.***
Lucien Gregoire
Lucien Gregoire
Artisan ébéniste à Toulouse, Lucien Grégoire, 45 ans, sculpte le bois avec passion, mais aussi les idées avec impertinence. Avec EnAlerte.fr, il se fait le porte-voix d’une critique sociale acérée, où le sarcasme devient une arme pour mettre en lumière les vérités que l’on préfère ignorer.

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