Enlevé par l’Algérie en plein Paris : l’affaire Amir DZ que la France tait

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En France, pays théoriquement souverain, l’on peut donc désormais être enlevé, drogué, séquestré, relâché – le tout sans que l’indignation officielle ne dépasse le stade de la déclaration prudente. Voilà l’état de notre République. Voilà ce qu’il reste de notre fierté nationale, quand un État étranger, en l’occurrence l’Algérie, se permet d’opérer impunément une opération de police politique à Paris, avec des moyens étatiques, des agents consulaires, des passeports de service, et même l’aide probable de son service de renseignement extérieur.

Le 29 avril 2024, Amir Boukhors, alias Amir DZ, influenceur algérien exilé en France, y ayant obtenu l’asile politique en 2022, est enlevé en pleine rue, près de son domicile, par des individus se présentant comme des policiers français. Brassards “Police” au bras, méthode bien rodée. Mais ce n’est pas l’État français qui agit, c’est un État étranger. Il est embarqué dans une voiture, emmené dans un conteneur aménagé, drogué, puis relâché plus d’un jour plus tard, choqué, abasourdi, brisé – vivant, mais conscient d’avoir frôlé le sort du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.

Trois hommes sont aujourd’hui mis en examen. Trois hommes dont le profil devrait suffire à faire vaciller n’importe quel gouvernement occidental digne de ce nom. Parmi eux, un fonctionnaire du consulat d’Algérie à Paris. Pas un figurant, pas un lampiste. Un homme chargé des enquêtes sur les demandeurs de visa, détenteur d’un passeport de service. Une taupe avec carte de visite diplomatique. Un autre suspect, vice-consul, a fui vers Alger en profitant de son immunité. La France ne l’a pas retenu. Elle l’a laissé partir, comme on ferme la porte d’une geôle en s’excusant de la gêner.

Quand une démocratie accueille un réfugié pour ensuite laisser son bourreau agir librement, ce n’est plus de l’asile, c’est une hypocrisie d’État.

Ce n’est donc pas un acte isolé. Ce n’est pas un fait divers. C’est un acte d’État, commis par un État, avec les moyens d’un État. L’avocat de la victime le dit sans détour : c’est une affaire d’État. Il en connaît le dossier, et il sait que son client est la cible privilégiée d’un régime qui n’admet pas la dissidence. Ce régime, l’Algérie, avait déjà émis neuf mandats d’arrêt internationaux contre lui. Tous rejetés par la justice française. La France avait reconnu le danger, elle avait refusé son extradition, elle lui avait offert sa protection. Et pourtant, elle n’a rien empêché.

Le parquet national antiterroriste (PNAT) a été saisi, non pour des faits de terrorisme – encore heureux – mais pour suspicion d’ingérence étrangère. Et quelle ingérence ! Le chef des services algériens de renseignement extérieur était à Paris au moment même de l’enlèvement. On se demande encore s’il venait signer des autographes. Mais ce détail, ô combien suggestif, semble échapper à la presse généraliste comme aux diplomates de velours.

Une autre affaire, tout aussi glaçante, avait précédé ce rapt. Un agent algérien avait réussi à collecter les informations personnelles de trente opposants algériens exilés en France. Trente cibles potentielles. Une liste noire, en somme. Et à quoi bon une liste, si ce n’est pour l’utiliser ? L’enlèvement d’Amir DZ a suivi. Simple coïncidence ? La naïveté n’est pas une vertu, c’est une abdication.

Mais où est l’État français dans tout cela ? Il est là, bien sûr, mais en retrait. Il “suit de près le dossier”, comme l’a sobrement indiqué le ministre de l’Intérieur. L’État veille, paraît-il. Mais il veille comme un paralytique : les yeux ouverts, les bras ballants. Pendant ce temps, Alger feint l’indignation, et hurle à la “cabale judiciaire” dès lors qu’un de ses agents est inquiété. La vieille inversion accusatoire des régimes autocratiques. Ils agressent, puis se plaignent d’être accusés.

L’Algérie nous humilie avec méthode. Et nous, nous courbons l’échine avec méthode. Ce pays, qui dépend économiquement de nos subventions, de notre marché, de notre mansuétude migratoire, agit sur notre sol comme dans une colonie d’influence. À Paris, Alger agit en terrain conquis. L’ambassade ne craint rien. Le consulat devient bureau d’espionnage. Les agents s’y recrutent mieux qu’à la DGSI. À croire que le Quai d’Orsay a remplacé la ligne bleue des Vosges par une ligne floue de lâcheté.


L’inaction face aux opérations d’intimidation étrangères n’est pas prudence, c’est soumission.

Et pendant ce temps, silence radio. Pas de discours de fermeté à l’Assemblée. Pas de rappels d’ambassadeur. Pas de suspension des coopérations. Rien. Le silence n’est plus seulement complice, il devient constitutif. C’est un aveu. Celui d’un pays qui ne veut pas savoir. Qui ne veut pas voir. Un pays qui se tait par peur d’affronter ce qu’il est devenu : un hôte trop poli pour refuser qu’on vienne l’insulter dans son propre salon.

Et que dire du précédent historique ? Car ce n’est pas la première fois que l’Algérie commet un assassinat politique en France. En 1987, l’opposant Ali Mecili était abattu à Paris. Trente-sept ans plus tard, le scénario est à peine réécrit : des opposants traqués, des diplomates impliqués, et une République française plus soucieuse de la stabilité fictive du “partenaire maghrébin” que de sa propre dignité.

L’affaire Amir DZ n’est pas close. Elle est même loin de l’être. Elle doit, au contraire, être ouverte, étalée, exposée, portée au fronton de notre conscience collective. C’est une affaire d’État, oui. Mais c’est surtout une affaire de courage. Il est temps que la France cesse d’être ce paillasson diplomatique où les dictatures essuient leurs bottes en ricanant.

Il est temps de rappeler à l’Algérie que Paris n’est pas une extension d’Alger. Il est temps d’expulser les diplomates impliqués, de suspendre les visas officiels, de geler les coopérations. Il est temps de parler la langue de la fermeté. Celle que même les régimes autocratiques comprennent, faute de parler celle des droits de l’homme.

Car si l’on peut désormais enlever un opposant politique sous nos fenêtres, sans que cela ne suscite autre chose qu’un haussement d’épaule poli, alors il ne reste plus rien de la République. Juste un décor, et des pantins en cravate.

***Les journalistes d’EnAlerte.fr utilisent un nom d’emprunt et une image générée par IA pour préserver leur confidentialité et garantir leur liberté d’expression.***
Doron Parker
Doron Parker
Doron Parker, 53 ans, vit à Lyon et occupe un poste à responsabilités dans une grande entreprise industrielle. Malgré un emploi du temps chargé, il a fondé EnAlerte.fr pour offrir une plateforme citoyenne où les idées et les opinions peuvent s’exprimer sans crainte de la doxa dominante.

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