Quand la fac pense en meute : la fin du débat, le règne du dogme

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De Strasbourg à Lyon, les scènes de censure et de blocage se multiplient sur les campus. L’université, autrefois sanctuaire du débat et de la complexité, devient le théâtre d’un militantisme radical qui rejette toute contradiction. Derrière les oripeaux de la justice sociale se cache une intolérance rampante, nourrie par le confort idéologique et l’impunité intellectuelle.

Autrefois, les universités étaient des lieux où l’on apprenait à questionner ses certitudes, où l’on doutait avant d’affirmer, et où la complexité du monde suscitait curiosité plutôt que condamnation. Aujourd’hui, cette tradition s’efface peu à peu au profit d’une adhésion émotionnelle à des idéologies militantes. Le doute, ce moteur discret de la pensée critique, se tait. Il a cédé la place à la certitude péremptoire, à l’assignation morale, à la posture vindicative.

Prenons Sciences Po Strasbourg. L’établissement a récemment connu un blocage d’ampleur, non pas pour défendre un droit ou alerter sur une injustice, mais pour faire annuler un partenariat avec une université israélienne. À Lyon 2, c’est un enseignant, pourtant modéré, qui a été sommé de quitter son cours par des étudiants pro-palestiniens — coupable de ne pas s’aligner sur la grille idéologique dominante. Ces scènes ne sont ni anecdotiques ni nouvelles : elles sont les symptômes visibles d’un effondrement intellectuel.

La pensée critique, fer de lance de l’université, y devient aujourd’hui suspecte dès lors qu’elle ne se conforme pas à la doxa ambiante.

En 2022, lors d’une simulation de vote à Sciences Po Strasbourg, 46 % des étudiants plébiscitaient Jean-Luc Mélenchon. L’année suivante, ce sont des centaines d’universitaires et d’intellectuels estampillés « progressistes », y compris des économistes de renom, qui appelaient à voter pour le nouveau Front populaire, malgré un programme économique incohérent, presque caricatural. Non par conviction raisonnée, mais pour affirmer leur vertu supposée.

Ce basculement n’est pas une conversion rationnelle, mais un réflexe de classe. Une manière de se distinguer symboliquement en affichant des positions perçues comme généreuses, même si elles sont ruineuses ou irréalistes.

Ce n’est pas le savoir qu’on célèbre dans ces temples modernes de l’indignation, mais l’entre-soi des bons sentiments transformés en dogmes.

Dans les amphithéâtres, ce ne sont plus seulement les gouvernements ou le capitalisme qui sont mis en accusation. L’Occident lui-même devient l’objet d’un procès permanent. La biologie est niée, la médecine suspectée de sexisme, la différence des sexes réduite à une construction oppressive. L’université s’érige non plus comme un lieu de savoir, mais comme une tribune où seule la rhétorique victimaire est applaudie.

Samuel Fitoussi, dans son ouvrage « Pourquoi les intellectuels se trompent ?« , fournit des clés de compréhension de ce glissement. Il évoque d’abord le conformisme : le désir d’être bien vu prime sur la recherche de la vérité. Exprimer une opinion dissonante sur un campus, c’est risquer la mise au ban, le lynchage numérique, ou simplement l’isolement.

L’auteur pointe aussi l’absence de conséquences : dans les cercles intellectuels, se tromper lourdement n’engendre ni discrédit ni sanction. Bien au contraire, plus une idée est extrême, plus elle semble valorisée, pourvu qu’elle corresponde à l’air du temps. L’intellectuel ne paie jamais le prix de ses erreurs idéologiques.

Vient ensuite le biais de confirmation : chacun sélectionne les informations qui renforcent ses croyances et évite celles qui les contredisent. Les réseaux sociaux ont achevé de cloisonner les esprits, enfermant les étudiants dans des bulles idéologiques où la contradiction est vécue comme une agression.

Enfin, l’intérêt personnel joue son rôle. Embrasser une idéologie planificatrice d’extrême gauche permet de se rêver architecte d’une société idéale, d’endosser le rôle valorisant du justicier. Pour de jeunes adultes souvent en quête de sens et de reconnaissance, la tentation est grande.

Mais ce glissement idéologique ne serait pas si inquiétant s’il ne s’accompagnait d’un refus de la contradiction. L’université n’est plus cet espace où se croisent les idées adverses ; elle devient une forteresse où l’on ne tolère que les dogmes validés par le groupe dominant.

Quand le confort idéologique supplante la confrontation des idées, ce n’est plus une université : c’est une église.

Et cette église ne prie pas pour la liberté de conscience. Elle traque les hérésies, distribue des brevets de vertu et punit l’écart. Ce n’est plus la culture qui émancipe, mais le militantisme qui asservit.

Or il faut le rappeler : ni la culture ni l’intelligence ne préservent de l’erreur. Pire : elles peuvent la renforcer, en rendant l’erreur séduisante, presque chic. La prétention à la lucidité devient souvent le masque d’une nouvelle forme de cécité.

Dès lors, que faire ? Défendre, bec et ongles, la liberté d’expression. Rappeler que le débat ne se mène pas à coups de slogans, mais d’arguments. Insister sur l’importance de l’esprit critique, cette qualité discrète qui consiste à douter de soi, à interroger ce que l’on croit savoir, à résister à l’appel des certitudes confortables. Surtout quand elles sont à la mode.

***Les journalistes d’EnAlerte.fr utilisent un nom d’emprunt et une image générée par IA pour préserver leur confidentialité et garantir leur liberté d’expression.***
Sophie Morel
Sophie Morel
Sophie Morel, 45 ans, est une commerçante passionnée installée en Bourgogne. Entre ses échanges avec ses clients et ses réflexions personnelles, elle a rejoint EnAlerte.fr pour défendre une France authentique, loin des clichés et des discours simplistes, mais proche des réalités de terrain.

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