L’expulsion avortée de l’influenceur algérien Doualemn par les autorités françaises marque un nouvel épisode dans une relation tumultueuse entre Paris et Alger. Si cet incident pourrait sembler anecdotique, il révèle un déséquilibre plus profond dans les rapports de force entre les deux nations. Plus inquiétant encore, il met en lumière le risque latent que représente la mobilisation éventuelle d’une partie de la diaspora franco-algérienne par le régime algérien dans un contexte de tension croissante.
En refusant de réadmettre Doualemn, l’Algérie illustre une stratégie de chantage qui mine la souveraineté française.
La gestion de cette affaire reflète avec éclat la molesse chronique de la diplomatie française. En refusant de réadmettre l’un de ses propres citoyens, Alger envoie un message clair : la coopération avec Paris n’est envisageable que lorsqu’elle sert ses propres intérêts. Ce geste, loin d’être isolé, s’inscrit dans une stratégie constante de l’Algérie : utiliser les liens historiques, humains et culturels avec la France comme levier d’influence.
Depuis les accords d’Évian, le régime algérien a fait de la gestion de sa diaspora un instrument de chantage. En France, les Algériens et Franco-Algériens représentent un réservoir humain considérable, que le pouvoir d’Alger n’hésite pas à instrumentaliser. Lors des tensions récentes entre les deux pays, certains observateurs ont noté une augmentation des discours anti-français dans les médias algériens, souvent relayés par des figures influentes de la communauté en France. La mobilisation d’agitateurs ou de relais communautaires par Alger est une menace plausible, voire une constante historique. En 2001, des émeutes éclatent à Paris et en banlieue lors d’un match de football entre la France et l’Algérie, au cours duquel la Marseillaise fut copieusement huée. Ces incidents, largement minimisés à l’époque, étaient déjà les prémices d’un bras de fer latent.
Macron et l’illusion d’un rapprochement
L’approche d’Emmanuel Macron vis-à-vis de l’Algérie, amorcée dès son premier quinquennat, a agi comme un accélérateur de ce processus de soumission. En qualifiant la colonisation de « crime contre l’humanité » lors de sa campagne de 2017, Macron croyait sans doute désamorcer un ressentiment historique. Mais en multipliant les gestes d’excuse, il n’a fait que nourrir les exigences d’un régime algérien habitué à tirer profit de la culpabilité française.
Ce sentiment de culpabilité, institutionnalisé dans la politique française, a permis à l’Algérie de maintenir un rapport de force inégal. En 2022, Macron avait tenté de renouer les liens en se rendant à Alger et en signant une déclaration d’intention pour renforcer la coopération bilatérale. Mais cette initiative a tourné court : un an plus tard, Alger s’oppose toujours fermement à l’expulsion de ses ressortissants indésirables, y compris lorsqu’ils constituent une menace pour la sécurité nationale française.
L’instrumentalisation de la diaspora algérienne : un danger sous-estimé
Le risque d’une mobilisation directe ou indirecte de la diaspora franco-algérienne par Alger est un sujet tabou, mais bien réel. Avec une population estimée à plusieurs millions en France, les Algériens et Franco-Algériens forment une communauté hétérogène, majoritairement intégrée mais traversée par des fractures identitaires. Ces tensions sont parfois exacerbées par des relais politiques ou associatifs proches d’Alger, qui attisent les ressentiments envers la République française.
L’Algérie, consciente de ce potentiel explosif, sait qu’elle peut compter sur une partie de cette population pour peser dans ses rapports avec Paris. À l’instar de la Turquie avec ses diasporas en Allemagne ou aux Pays-Bas, le régime algérien pourrait chercher à mobiliser certains Franco-Algériens dans des manifestations ou des actions de déstabilisation. Des incidents récents, comme les émeutes lors des célébrations de la victoire algérienne à la Coupe arabe en 2021, illustrent la capacité de ce régime à manipuler les passions collectives.
La réponse française : entre faiblesse et confusion
Face à cette menace, la réponse française est consternante de faiblesse. Les gouvernements successifs ont échoué à imposer une relation équilibrée avec Alger, oscillant entre complaisance et naïveté. Sous Macron, la situation s’est encore détériorée. En cherchant à plaire à toutes les sensibilités, l’exécutif français a multiplié les signaux contradictoires : d’un côté, un discours dur sur l’immigration et la sécurité, de l’autre, des gestes d’apaisement envers un régime qui méprise ostensiblement Paris.
La molesse de la réponse française face à Alger est le symptôme d’une diplomatie paralysée par la culpabilité historique.
Le résultat est sans appel. Non seulement la France n’est pas respectée par Alger, mais elle est également incapable de faire appliquer ses propres décisions sur son territoire. Le cas de Doualemn est emblématique de cet échec : malgré un contexte de menace terroriste persistante, l’expulsion d’individus représentant un risque reste entravée par des considérations diplomatiques ou juridiques.
Une rupture nécessaire avec l’héritage du passé
Pour sortir de cette impasse, la France doit opérer un changement radical dans sa politique vis-à-vis de l’Algérie. Cela implique d’abord de conditionner toute coopération économique ou financière à une collaboration réelle sur les questions migratoires et sécuritaires. L’idée d’instaurer des quotas d’admissions ou de réduire les visas pour les pays non-coopératifs, déjà évoquée par Macron en 2021, doit être appliquée avec rigueur.
Ensuite, la France doit s’affranchir de la culpabilité historique qui paralyse son action. Le temps des excuses est révolu. Si le régime algérien utilise le passé colonial pour justifier ses échecs économiques et sociaux, ce n’est pas à la France d’en payer éternellement le prix.
Pour défendre sa souveraineté, la France doit conditionner toute coopération avec l’Algérie à un véritable respect réciproque.
Enfin, la surveillance des réseaux d’influence algériens en France doit être renforcée. Les associations, médias et personnalités publiques qui relaient des discours hostiles à la République doivent faire l’objet d’un contrôle strict. La souveraineté nationale passe par une reprise en main de l’espace public, aujourd’hui trop souvent livré aux revendications communautaristes.
En refusant d’affronter ces réalités, la France s’expose à des crises bien plus graves que celle de Doualemn. Ce bras de fer diplomatique avec l’Algérie n’est pas seulement une question bilatérale : il pose la question essentielle de la capacité de la République à défendre ses intérêts et sa souveraineté. À trop courber l’échine, la France risque de perdre bien plus qu’un influenceur provocateur : sa crédibilité en tant que nation.