Mohamed Amra : le crime triomphe, l’État capitule

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Il y a des images qui marquent. Non pas parce qu’elles témoignent d’un coup de filet magistral ou d’une démonstration d’autorité de l’État, mais parce qu’elles illustrent crûment son impuissance. Celle de Mohamed Amra, sourire narquois aux lèvres, encadré par les forces spéciales roumaines lors de son arrestation, est de celles-là. Ce sourire, loin d’être anodin, est un message : il n’a pas peur. Il sait que la justice française n’a rien d’une menace réelle pour lui. Pire encore, il sait que dans son milieu, il sortira grandi de cette séquence.

Ce sourire narquois est une gifle à la justice et aux victimes.

Neuf mois de cavale, une arrestation qui tient presque du hasard, une extradition en grande pompe vers la France : ce scénario mille fois rejoué rappelle une vérité dérangeante. Dans la guerre que mène l’État contre le crime organisé, le rapport de force n’est plus en faveur des institutions. À chaque « victoire » des forces de l’ordre, le camp d’en face n’est jamais réellement perdant. Un criminel interpellé, c’est déjà un autre qui prend sa place. Une arrestation ne change rien si elle ne s’accompagne pas d’une réforme profonde du système pénal, judiciaire et carcéral.

Car l’affaire Mohamed Amra est une démonstration magistrale des failles abyssales de notre système. Un homme recherché pour meurtre, tentative de meurtre et évasion en bande organisée a pu circuler librement à travers l’Europe, se fondre dans le décor à Bucarest, obtenir de faux papiers, organiser sa propre clandestinité avec une facilité qui laisse songeur. Il ne s’agissait pas d’un petit malfrat, mais d’un acteur majeur du trafic de drogue, soupçonné d’être en lien avec des réseaux criminels internationaux. Pourtant, il a bénéficié d’une cavale paisible, loin du tumulte médiatique.

La cavale de Mohamed Amra est un cas d’école : neuf mois de liberté, un faux passeport, zéro entrave.

Et lorsque la justice française s’est réveillée, il était déjà trop tard. Ce n’est pas la France qui l’a traqué. Ce sont les autorités roumaines qui l’ont localisé et arrêté. On peine à imaginer combien de temps il aurait encore pu profiter de sa liberté sans l’intervention des forces spéciales étrangères.

Ce fiasco n’est pas un accident. Il est le produit d’un laxisme généralisé qui gangrène notre politique pénale. Amra n’aurait jamais dû pouvoir fuir en premier lieu. Il n’aurait jamais dû pouvoir quitter la France sans alerter immédiatement les autorités. Mais notre système, rongé par une bureaucratie inefficace et une naïveté coupable, a permis qu’un homme aussi dangereux prenne la fuite et refasse tranquillement sa vie à l’étranger.

Son retour en France se fait sous haute sécurité. Un déploiement impressionnant de forces de l’ordre est prévu pour son incarcération. Le ministre de l’Intérieur a demandé qu’il soit placé en isolement dans une prison de haute sécurité, limitant au maximum ses déplacements physiques pour éviter toute nouvelle tentative d’évasion. Mais ces précautions, bien qu’indispensables, ont un arrière-goût amer : pourquoi faut-il toujours attendre le pire pour réagir ?

Une justice qui condamne mais ne dissuade pas, c’est une justice inutile.

Combien d’autres Amra circulent librement dans la nature ? Combien de criminels en cavale bénéficient des mêmes complicités, des mêmes failles institutionnelles pour prolonger leur liberté ? Chaque arrestation d’un fugitif notoire met en lumière le nombre ahurissant d’individus en fuite, dont certains sont condamnés pour des faits gravissimes. La justice française ne leur fait pas peur. Elle est lente, désorganisée, permissive. Résultat : ils récidivent, s’évadent, et lorsqu’ils sont finalement repris, c’est souvent grâce aux efforts d’États étrangers plus rigoureux que le nôtre.

Il ne suffit pas d’arrêter un criminel. Encore faut-il s’assurer qu’il ne puisse plus nuire. Or, notre politique pénale actuelle ne repose sur aucune stratégie dissuasive crédible. Les peines sont prononcées, mais rarement appliquées dans leur intégralité. Les prisons sont pleines, mais elles restent des lieux de passage pour les délinquants aguerris, qui en ressortent souvent plus influents qu’ils ne l’étaient en y entrant.

Amra ne craint ni la prison ni la justice. Parce qu’il sait qu’il en sortira un jour, peut-être plus tôt que prévu, grâce à un énième assouplissement des règles ou à une opportunité saisie au bon moment. Le crime organisé fonctionne comme une entreprise, avec des stratégies, des relais, des investissements. Tant que l’État restera dans la réaction au lieu de prendre l’initiative, il continuera d’avoir plusieurs coups de retard.

Et l’image de Mohamed Amra, sourire aux lèvres, continuera de hanter l’opinion publique comme le symbole d’un système à bout de souffle, incapable d’imposer son autorité face à ceux qui la défient ouvertement.

***Les journalistes d’EnAlerte.fr utilisent un nom d’emprunt et une image générée par IA pour préserver leur confidentialité et garantir leur liberté d’expression.***
Amine Belhadj
Amine Belhadj
Infirmier dans un hôpital public de Marseille, Amine Belhadj, 35 ans, jongle entre des journées éreintantes et sa passion pour l’écriture. Il rejoint EnAlerte.fr pour donner une voix à ceux qui subissent les conséquences des décisions prises sans jamais être consultés. Amine croit profondément à l’importance de rendre visibles les réalités quotidiennes de millions de Français.

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