Il voulait être l’homme de la rupture, il sera celui de la continuité. Friedrich Merz, nouvelle figure de la CDU, a longtemps rêvé de vengeance : celle du cancre méprisé par l’élite, celle du libéral étouffé par le centrisme mou, celle du conservateur trahi par le progressisme de Merkel. Mais le voilà enfin au pouvoir, et déjà à genoux. Il promettait de tourner la page, il en devient la dernière ligne. L’homme qui voulait faire exploser l’héritage Merkel n’en sera que l’exécuteur testamentaire, coincé dans une Allemagne qui sombre, une droite incapable de se régénérer et une Europe qui le regarde comme un spectre sans consistance.
Les Allemands croyaient élire un patron, ils se retrouvent avec un liquidateur judiciaire.
Merz aurait pu être un bulldozer. Il sera une passoire. Sa victoire électorale ressemble à celle d’un moribond qu’on force à avaler une dernière gorgée avant l’agonie. La CDU a raflé 28,5 % des voix, un score minable qui en d’autres temps aurait signifié une déroute. Mais l’illusion fonctionne, car en face, le SPD s’effondre à 16,5 % et l’AfD, cet épouvantail utile, grimpe à 20,5 %, sans pour autant pouvoir gouverner. Merz, en bon gestionnaire, devrait logiquement tendre la main à la droite nationale pour bâtir une majorité cohérente. Mais non, interdit de jouer avec ces vilains enfants de l’AfD, il va donc s’accrocher à la gauche et bricoler une énième « GroKo », cette grande coalition qui n’est rien d’autre que du merkelisme en pilotage automatique.
Alors que l’Allemagne est en crise, que ses entreprises se délocalisent, que son industrie s’effondre, que son énergie se paie à prix d’or, que ses rues se remplissent de migrants que personne ne veut voir, Friedrich Merz, lui, se contente d’un ravalement de façade. Il a passé sa carrière à faire du business chez BlackRock et à chanter les louanges du capitalisme. Mais aujourd’hui, il ne peut plus vendre ce discours : il n’y a plus rien à acheter.
L’Allemagne a vendu son âme aux États-Unis et son avenir à la Chine. Merz ne fera que signer les reçus de livraison.
Sa situation est grotesque : il voulait être l’homme de la reconquête économique, il découvre qu’il n’a même plus de matière première. Merkel a tout sacrifié sur l’autel de son règne : dépendance à la Chine pour ses exportations, soumission à Washington pour sa défense, main-d’œuvre à bas coût importée à la pelle. Aujourd’hui, l’addition est salée et Friedrich Merz, ce faux-dur à crâne lisse, joue les caissiers de supermarché pour encaisser les chèques en bois. Il voulait du capitalisme pur et dur, il se retrouve à distribuer des allocations et des aides d’État pour empêcher l’Allemagne de s’effondrer. Un comble.
Quant à la politique intérieure, elle est verrouillée. Merz, qui a passé des années à critiquer Merkel et son laxisme migratoire, se retrouve pieds et poings liés : il ne peut rien changer. Pas question de durcir les lois, pas question de parler d’identité nationale, pas question de toucher à l’immigration. Il doit marcher sur des œufs, de peur d’être accusé de fricoter avec l’AfD, ce parti pestiféré que tout le monde condamne, mais dont les idées séduisent de plus en plus d’Allemands excédés.
Il voulait briser le carcan Merkel, il s’apprête à en faire un mausolée.
Alors que faire ? Rien. Attendre. Subir. Gérer la descente aux enfers en bon élève, en jurant que demain sera meilleur. L’Allemagne est en récession, mais pas question de prononcer ce mot. Le déclin est en marche, mais il faut sourire et faire croire que tout ira bien. Merz le sait, mais il fait semblant. L’homme d’affaires aguerri devient un politicien standardisé, ce genre de technocrate sans relief qui donne des conférences sur la croissance alors que son pays crève à petit feu.
En réalité, Merz n’a jamais eu de destin. Il n’a été que la réincarnation contrariée d’une droite allemande qui a renoncé à être elle-même. Il pensait prendre sa revanche sur Merkel, il finit en pantin d’un cadavre politique dont il ne peut même pas contester l’héritage. L’AfD monte, l’économie coule, l’Europe vacille, et Friedrich Merz regarde ailleurs. Après tout, à quoi bon se battre quand on a déjà perdu ?