Il ne manque plus que l’indignation sélective devienne politique publique pour que la République achève de se renier elle-même. Ce week-end, un rabbin a été agressé en pleine rue, devant son fils. Parce qu’il est juif. À Orléans. En France. Mais pendant ce temps, à Paris, certains marchaient « contre le racisme » en arborant des drapeaux palestiniens, comme pour mieux exhiber leur solidarité sélective, tout en piétinant la mémoire d’Anne Frank sous leurs slogans creux.
Le rabbin Arié Engelberg rentrait de la synagogue avec son fils de neuf ans quand un jeune homme – se prétendant palestinien mais déjà connu sous trois identités différentes, ce qui en dit long sur notre gestion de l’immigration – l’interpelle : « T’es juif ? », avant de le frapper, de lui cracher dessus et de le mordre dans le dos. Oui, mordu. Comme un animal. Comme un message envoyé à tous ceux qui persistent à penser que la haine du Juif est un fantasme réchauffé.
Ce crime n’est pas un fait divers, c’est un révélateur. Il ne surgit pas dans le vide, mais dans un climat idéologique méticuleusement construit, jour après jour, par une extrême gauche qui a fait de l’obsession antisioniste sa caution morale, et de la haine d’Israël un justificatif pour toutes les salissures.
L’inaction face aux dérives idéologiques n’est plus une option, mais une complicité.
Ce paradoxe illustre l’incapacité d’un système à concilier ses valeurs avec ses actions.
Samedi, donc, pendant qu’un rabbin se faisait agresser parce que juif, la place de la République voyait défiler 20 000 personnes dans une manifestation « contre le racisme ». Curieuse ironie, où les drapeaux tricolores étaient minoritaires, noyés dans une mer de keffiehs, d’étendards palestiniens et de pancartes assimilant Israël à l’apartheid. Car c’est bien là la duplicité qui ronge notre débat public : on invoque les valeurs humanistes pour mieux dissimuler les obsessions identitaires, et l’on hurle à l’oppression coloniale quand il s’agit d’un État juif se défendant.
Le président Macron a eu les mots justes, dénonçant « le poison de l’antisémitisme ». Mais que vaut ce verbe si l’acte ne suit jamais ? Quand il s’est agi de condamner Israël pour des frappes sur Gaza, la parole présidentielle fut rapide, cinglante, retentissante. Mais face au torrent de haine antijuive qui déferle dans nos rues depuis le 7 octobre, ce sont des murmures.
Manuel Valls a bien eu le courage de nommer l’ennemi : un tsunami anti-juif, alimenté par un islamisme rampant et ses alliés naturels de l’extrême gauche française. Ce même camp politique qui, sous prétexte de défendre les Palestiniens, se permet toutes les compromissions avec l’antisémitisme le plus crasse. Mélenchon ne s’y est pas trompé : il courtise la haine islamiste comme d’autres caressent le populisme – avec calcul et cynisme.
L’antisémitisme contemporain ne se dissimule plus, il s’érige en vertu politique à gauche.
Il faut nommer les choses : quand des députés flirtent avec des groupes terroristes, ce n’est plus de la naïveté, c’est de la collaboration.
À force d’avoir vidé le mot « racisme » de son sens, on a légitimé les pires haines. Celles qui tuent dans nos rues, à Orléans, à Créteil, ou dans les trains. On n’a pas simplement abandonné les Juifs de France : on les a laissés seuls dans un pays qui fait de leur sécurité une variable d’ajustement dans la balance électorale des quartiers.
Et que dire de la réaction médiatique ? On encense la marche contre le racisme sans jamais mentionner les slogans antisémites qui s’y glissent, les références au Hamas, ou les cris de guerre lancés en arabe dans les cortèges. On célèbre une diversité de façade pendant qu’une famille juive vit la terreur sur le sol français.
L’agression du rabbin Engelberg n’est pas un acte isolé, mais un clou de plus dans le cercueil d’une laïcité trahie, d’un universalisme déserté, d’une République fragmentée. Les chiffres sont impitoyables : 67% des agressions antireligieuses visent les Juifs. Et pourtant, il faut encore se battre pour que cette évidence soit nommée.
Ce n’est pas la communauté juive qu’on attaque, c’est la France dans ce qu’elle a de plus profond : son histoire, sa culture, sa mémoire. Le judaïsme fait partie de l’âme française, disait Manuel Valls. Il est ce lien millénaire entre la tradition et la modernité, entre la spiritualité et la citoyenneté. S’en prendre à un rabbin en pleine rue, c’est s’en prendre à la France.
Mais il y a plus grave encore : ce que révèle cette agression, c’est la faillite complète de notre politique migratoire. Un mineur isolé, se disant palestinien, déjà multirécidiviste et multi-identités. Quelle absurdité faut-il encore endurer avant d’admettre que le laxisme migratoire est devenu une arme retournée contre nos propres enfants ?
Tant que l’islamisme aura droit de cité dans nos banlieues, l’antisémitisme aura droit de vie ou de mort dans nos rues.
Il est minuit moins cinq à Orléans. Il est déjà trop tard à Paris. La Marseillaise chantée place de la Bastille par deux cents manifestants ne compensera pas l’assourdissant silence des milliers d’autres. Ceux qui refusent encore de voir, ceux qui justifient encore l’injustifiable, ceux qui pensent que le Juif est toujours trop visible.
Il est temps de trancher net. Il est temps de choisir entre la France de Dreyfus et celle de Dieudonné, entre la République une et indivisible et la mosaïque communautaire sans colonne vertébrale. Entre la sécurité de nos enfants et la soumission à ceux qui les haïssent.
Sinon, demain, ce ne sera pas un rabbin qui tombera. Ce sera la République.