Taxer les riches à 2 % : le dernier mirage de la gauche fiscaliste

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On connaissait le refrain, il revient en boucle à chaque poussée de fièvre égalitariste. Cette fois-ci, il s’habille des atours de la « justice fiscale globale » et d’une légitimité académique estampillée Gabriel Zucman. L’économiste français, adulé par une gauche qui confond souvent redistribution et vengeance sociale, inspire une proposition adoptée le 26 mars par l’Assemblée nationale : instaurer un impôt plancher de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 50 millions d’euros. La mesure sera débattue au Sénat en juin, portée par le sénateur écologiste Thomas Dossus. Ce dernier admet lui-même que l’adoption au Sénat sera difficile. Un aveu lucide, car l’opposition de droite y est solide, et le gouvernement – c’est à noter – ne soutient pas cette idée. Mieux : il affirme préférer la réduction des dépenses à l’augmentation des impôts.

Mais le simple fait que cette proposition ait franchi une première étape parlementaire dit beaucoup sur l’état d’esprit qui anime une partie de nos représentants. Loin d’être une avancée fiscale éclairée, il s’agit en réalité d’un mauvais remake idéologique, d’un retour déguisé à l’impôt sur la fortune qui, on le croyait, avait été mis au placard au nom de l’attractivité économique.

Que cherche-t-on à faire ici ? Réparer une injustice ? Non. Le message réel est beaucoup plus clair : punir ceux qui réussissent, sanctionner l’accumulation de patrimoine, fustiger la réussite comme si elle était immorale. C’est la vieille obsession égalitariste qui revient hanter les travées de l’Assemblée, nourrie par une vision anxiogène de la richesse et un fantasme de répartition miraculeuse. L’éternel mythe du grand soir fiscal, celui où l’on tondrait les riches pour rétablir la justice.

Or, que dit la réalité ? Elle est plus têtue que les utopies de salon. Une taxe de 2 % sur le patrimoine des ultra-riches ne comblera ni la dette abyssale de l’État ni les déficits structurels. Les calculs, même les plus optimistes, évoquent quelques dizaines de milliards d’euros, une goutte d’eau dans l’océan des besoins publics. À ce prix, on risque surtout de provoquer un exode massif des capitaux. Les fortunes mobiles n’aiment pas les injonctions morales fiscalisées. Et elles savent très bien où trouver des rivages plus accueillants.

Faut-il rappeler que la suppression de l’ISF avait justement permis de freiner cet exode économique ? En 2017, les entrepreneurs et investisseurs français figuraient parmi les plus prompts à fuir un système fiscal jugé confiscatoire. Le retour d’un impôt plancher, même sous un nouveau nom, envoie un signal clair à tous ceux qui créent, investissent, innovent : vous n’êtes pas les bienvenus. Pire encore : vous êtes coupables. Coupables d’avoir réussi. Coupables d’avoir bâti. Coupables, donc, de devoir payer.

Ce n’est pas de justice fiscale dont il est question, mais d’un vieux fantasme d’égalitarisme punitif.

Du côté de la gauche, on s’enorgueillit de « rétablir l’équité fiscale ». Un mot-valise qui cache une logique de redistribution punitive. Dans leur rhétorique, il ne s’agit pas de permettre à chacun de s’élever, mais de faire redescendre ceux qui ont monté les marches trop vite, trop haut, ou trop seuls. La propriété privée est réduite à un privilège honteux, l’accumulation à une indécence, l’investissement à un acte suspect. On parle de justice, mais on rêve de nivellement. Par le bas.

À droite, cette proposition est logiquement rejetée comme une atteinte à la propriété, ce pilier essentiel d’un ordre républicain stable. L’État ne crée aucune richesse, il la prélève. Encore faut-il qu’il en reste à prélever. Les artisans, les PME patrimoniales, les industriels de demain – car ce sont eux, aussi, les « riches » dans l’œil des fiscalistes militants – regardent ces débats avec inquiétude. Qui sera le prochain ciblé au nom d’une nouvelle équité budgétaire ? Après les 50 millions, pourquoi pas les 5 ? Après les ultra-riches, pourquoi pas les classes moyennes supérieures ?

On ne répare pas un navire en pleine tempête en creusant encore ses cales pour faire plaisir aux passagers du pont inférieur

Le gouvernement, dans un sursaut de pragmatisme budgétaire, semble avoir compris qu’on ne relance pas un pays par la spoliation. La voie choisie est celle d’une réduction des dépenses publiques. Une discipline budgétaire certes douloureuse, mais lucide. Moins populaire, moins flamboyante, mais résolument tournée vers une gestion durable. On ne répare pas un navire en pleine tempête en creusant encore ses cales pour faire plaisir aux passagers du pont inférieur.

Ce débat en dit long sur le climat intellectuel de notre époque. À force de désigner les riches comme responsables de tous les maux – climat, inégalités, instabilité budgétaire – on installe une rhétorique de bouc émissaire dans le débat public. Une rhétorique qui affaiblit la cohésion nationale, dégrade la confiance économique, et détourne les énergies des réformes structurelles qui seules permettront à la France de se redresser.

L’État ne crée aucune richesse, il la prélève. Encore faut-il qu’il en reste à prélever.

Rien n’est encore joué. Le Sénat pourrait enterrer ce projet. Il en a les moyens, et la légitimité. Mais même s’il ne passe pas, le signal est donné : une partie de nos élus rêve toujours d’un pays où l’on punirait l’enrichissement au nom d’un idéal égalitariste hors sol. Une France du ressentiment fiscal, de la jalousie institutionnalisée, où l’égalitarisme remplacerait l’équité, et la méfiance l’esprit d’entreprise.

Il serait temps, enfin, de poser les vraies questions : comment simplifier notre système fiscal ? Comment relancer l’investissement productif ? Comment réconcilier les Français avec la création de richesse, plutôt que de les y opposer systématiquement ? Cela suppose de sortir du réflexe pavlovien de l’impôt-pansement pour penser, enfin, une économie de croissance, de mérite et d’émancipation.

***Les journalistes d’EnAlerte.fr utilisent un nom d’emprunt et une image générée par IA pour préserver leur confidentialité et garantir leur liberté d’expression.***
Nadia Amrani
Nadia Amrani
À 36 ans, Nadia Amrani occupe un poste de responsable RH dans une PME lilloise. Ses observations quotidiennes sur les dynamiques humaines et sociales l’ont amenée à rejoindre EnAlerte.fr. Avec une plume pragmatique et engagée, elle veut participer à un débat public constructif et éclairé.

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